J’ai interrogé plusieurs économistes dans le cadre d’une “enquête” pour Le Monde dans sa version “papier” sur le thème suivant : “s’il veut vraiment tenir son engagement de ramener le déficit public à un niveau de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013, et donc de réduire également la dette publique, le gouvernement ne devra-t-il pas se résoudre à jouer de la carte fiscalité, c’est-à-dire augmenter les prélèvements ?”
Cette enquête est publiée aujourd’hui, mercredi 2 juin. On peut la lire ici (mais pour cela il faut être abonné, ce que je vous invite à faire).
A l’occasion de cette enquête, j’ai notamment rencontré Thomas Piketty, qui est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l’Ecole d’économie de Paris.
Sans exonérer la France d’“efforts sur les finances publiques” - il considère qu’ils seront “nécessaires”, mais qu’ils doivent être mis en place “de façon équilibrée, sans coupes brutales du jour au lendemain” - il “décale” la problématique au niveau européen. En tout cas une partie de la problématique : comment résorber la partie du “trou” qui est directement liée à la crise financière et à la crise économique qui a suivi.
Voici, ci-dessous, ce qu’il dit, sachant qu’il faut avoir en mémoire les chiffres suivants : le déficit public français était équivalent à 7,5 % du PIB fin 2009 (soit 143,8 milliards d’euros) et devrait atteindre 8,2 % cette année; la dette publique atteignait 78,1 % du PIB fin 2009 (soit 1 489 milliards d’euros), et devrait se situer à 83,2 % cette année.
“Ce n’est pas avec la rigueur, les coupes dans les dépenses publiques et les hausses d’impôts qu’il faut sortir de cette crise. La réduction des coûts publics pour sortir d’une récession cela mène toujours au désastre. Cela ne marche pas.
Serrer la ceinture des citoyens et des contribuables, cela risque de retarder la sortie de crise, d’aggraver les choses : l’impact sur la croissance notamment pourrait être négatif et, au final, on va se retrouver avec plus de déficit et plus de dette”.
Le problème étant de résorber la dette publique, une solution consiste à monétiser une partie de cette dette, le surplus lié à la crise.
Il faut que la Banque centrale européenne (BCE) fasse avec les Etats ce qu’elle a fait avec les banques : émettre de la monnaie et leur prêter à 0 % ou 1 % pour que les Etats se débarrassent du surplus de dette créé par la récession.
L’exemple américain
Les banques centrales européenne et américaine ont en effet prêté à un taux voisin de zéro aux banques sur une période relativement longue : entre septembre et décembre 2008, elles ont créé près de 2 000 milliards d’euros de monnaie nouvelle, soit 10 points de PIB européen et américain, pour les prêter.
Pourquoi a-t-on pu prêter aux banquiers et pourquoi les citoyens devraient-ils se serrer la ceinture pour payer les effets d’une crise dont le secteur financier est responsable ?
C’est d’ailleurs exactement ce que fait la Federal Reserve américaine depuis début 2009 : en achetant à 0 % des centaines de milliards de bons du Trésor américain, elle allège le fardeau des contribuables américains, et permet de sortir de la récession plus vite qu’en Europe.
Si les Etats-Unis sortent aussi vite de la récession, c’est parce qu’ils ont agi ainsi et qu’ils n’ont pas fait de réduction des dépenses, de hausse d’impôts. Il y a un pragmatisme américain qui nous fait défaut.
Dans les circonstances actuelles, il n’existe pas d’autre solution que de monétiser une partie de la dette publique. Cela permettrait de remettre les compteurs à leurs niveaux d’avant crise.
Cela ne se traduirait pas forcément par de l’inflation. Dans le cas des prêts aux banques, cela n’en a pas créé par exemple. On était au bord d’une dépression, d’un déflation (baisse des prix, baisse des actifs). En injectant de l’argent, on a évité cette déflation et il n’y pas eu d’inflation derrière.”
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